Par Marylou DiPietro
Monologue extrait de la pièce solo, En amour avec le cancer
LA VOIX INTÉRIEURE DE MARYLOU
Le chiffre huit est accroché à un crochet dans mon cerveau.
Pourquoi huit ? Pourquoi pas sept ?
Le sept est mon chiffre fétiche depuis le CE2, lorsque j'ai gagné la plus belle photo d'une Vierge Marie prépubère aux cheveux blonds et aux yeux bleus.
Oui, vous avez bien entendu : une Vierge Marie prépubère aux cheveux blonds et aux yeux bleus.
C'était tout à fait logique à l'époque.
(Je cherche "prépubère" sur mon téléphone.)
Prépubère : Les jeunes filles prépubères vivent leur sentiment d'identité le plus pur avant l'âge adulte.
Leur sens le plus pur du moi...
C'est pourquoi j'ai voulu devenir religieuse !
Si j'épousais le Christ, je pourrais rester vierge. Qu'y a-t-il de mieux que cela ? J'aurais l'amour éternel de Dieu et ma place au paradis serait assurée.
Mais attendez une minute : les religieuses ne sont-elles pas nées avec la tache indélébile du péché originel sur leur âme, comme le reste d'entre nous ?
Peut-être que le fait de cacher leur corps dans des rames de laine noire et de protéger leur poitrine avec une bavette en plastique dur était une sorte de pénitence préétablie pour le péché qu'elles ont hérité d'Ève.
D'ailleurs, comment pourrais-je être religieuse alors que tout ce que je voulais faire était de me tenir devant le miroir - nue - à la recherche d'un signe indiquant que mon corps prépubère devenait pubère ?
Serais-je punie pour avoir prié pour que mes seins deviennent aussi gros que ceux de la fille la plus populaire de la classe ?
Pourquoi voulais-je le corps d'une femme, si c'était un péché d'en avoir un ?
Oh mon Dieu, c'est ça ! C'est la ligne directe qui va de Dieu faisant honte à Adam et Eve, à mes parents criant à mes sœurs et à moi de "mettre quelque chose", chaque fois que nous descendions en slip ou même en chemise de nuit, comme si nous étions descendues complètement nues.
Il n'est pas étonnant que ma mère et toutes ses amies catholiques n'aient pas allaité. La honte était si écrasante qu'elles ont perdu l'instinct de nourrir leurs propres enfants.
Il n'est pas étonnant que ma mère ait semblé presque soulagée de se faire couper un sein lorsque, à 70 ans, elle a appris qu'elle était atteinte d'un cancer du sein.
La perte d'un sein à la suite d'un cancer est-elle une punition pour en avoir eu un au départ ?
Qui est le véritable traître ? Dieu ou mon propre corps ?
Ce n'est pas le fait de gagner le prix de la pureté qui a façonné ma vie ; c'est le fait d'échanger le prix contre l'insigne de la honte.
Ce n'est pas que je ne voulais pas que les gens sachent que j'avais un cancer du sein ; je ne voulais pas qu'ils sachent que j'avais des seins.
Les seins que je rêvais d'avoir.
Les seins que j'ai fait croire que j'avais, lorsque j'ai rempli mon soutien-gorge d'entraînement avec du coton.
Des seins si petits qu'ils me rendaient invisible aux yeux des garçons.
Des seins, comme mes yeux, qui en disaient trop.
Les seins qui, même s'ils étaient loin d'être parfaits, étaient les miens.
Des seins avec lesquels j'ai fièrement nourri mes enfants.
Des seins que je considérais comme acquis.
Des seins - un seul - qui sont devenus un terrain propice au cancer et qui devaient être coupés de leur source de vie, c'est-à-dire moi.
Les seins qui m'ont appris La honte est le vrai cancer qu'il faut arracher et jeter à la poubelle.
J'aime tout ce que le cancer m'a donné... Comme le souvenir de ma première grenade.
Ou la fois où je me suis allongé sur la plage pendant des heures en regardant passer un défilé de nuages animaliers.
Ou comment j'ai convaincu ma petite sœur - et moi-même - que je savais voler ! Et qu'elle devait me retrouver tous les matins à 5h15 pour prendre des leçons de pilotage.
Ou comment je rêvais de peindre, de dessiner et d'écrire des poèmes aussi bons que ceux de ma sœur aînée. Et quand je l'ai fait, elle n'a pas été jalouse.
Ou le moment où ma fille de deux mois a sorti la tête de son Snuggly et a découvert le monde pour la première fois.
Ou la fois où mon fils de cinq ans a annoncé qu'il ne croyait pas que Dieu était dans le ciel, mais qu'il était le bien en chaque personne.
Le cancer m'a appris que survivre au cancer, c'est comme survivre à un accouchement. Sauf qu'avec le cancer, c'est votre propre vie que vous finissez par avoir.
Le cancer m'a donné la force d'accepter ce qu'il m'a enlevé.
Vous voulez savoir pourquoi je suis tombée amoureuse du cancer ?
Parce que c'est ce qui m'a amené ici aujourd'hui.
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