Par le Dr. Carole Weaver
Au début de la soixantaine, après une vie d'aventures dans les voyages, la monoparentalité et la collecte de fonds, et quelques incursions dans la comédie musicale, j'étais prête à entamer un nouveau chapitre passionnant. Mes enfants ayant grandi et étant partis à Hollywood, je visais Broadway, ou du moins des auditions pour des petits rôles (la femme plus âgée - une figurante vêtue de haillons colorés dans Sweeny Todd). Vlan ! Le destin m'a cependant réservé deux surprises : un nouveau petit ami - un évaluateur d'art - et... un cancer du sein.
Des complications s'en sont suivies (voir mes mémoires), EFFETS SECONDAIRES : L'art de survivre au cancer) surtout en ce qui concerne le cancer, mais une histoire d'amour à la Cendrillon s'en est suivie, même pour cette féministe vieillissante.
Un problème se pose :
Comme nous le savons tous, il faut un village pour aider un patient atteint d'un cancer à suivre son traitement. Mais mon village ressemblait plus à une ville fantôme. La famille était à 3000 miles de là. Le petit ami considérait les personnes malades comme des décharges d'énergie. Le psy ne s'intéressait qu'à l'"authenticité", pas à la douleur. Et les petites amies, bien que vaillantes, se sont vite épuisées à force de conduire, de faire les courses, d'appeler et, bien sûr, de s'occuper des autres.
Quelques œuvres d'art se sont engouffrées dans la brèche.
L'"effet secondaire" que j'ai découvert comme antidote à une infection à e-coli en salle d'opération, à une réaction désagréable à la chimiothérapie et à de multiples interventions chirurgicales, a été la façon dont une poignée de beaux objets m'ont distrait, réconforté, ravi et, en fin de compte, m'ont donné une perspective de guérison profonde qui m'a permis de traverser cette épreuve.
Je n'étais pas un expert en art, je n'avais pas fait d'études d'art et je n'aimais pas particulièrement les musées pour des visites de plus de 45 minutes.
Je laisse mon propre état d'esprit (jeu de mots) me guider vers une statue, une peinture, un morceau de musique, voire un objet cousu avec art.
La plupart des pièces individuelles avaient un rapport avec le stade de mon traitement. Par exemple, lorsque j'étais en chimiothérapie, j'avais très peu d'appétit. J'avais du mal à avaler quoi que ce soit. Je rêvais de manger des nuages. Puis j'ai découvert ce grand plat turc, une reproduction d'une céramique cérémonielle du XVe siècle. Elle était magnifique avec la calligraphie spéciale dédiée au sultan et son Tughrah distinctif, sa signature au milieu.
Cette assiette n'a jamais été destinée à être chargée de nourriture. Elle n'était qu'un objet d'artisanat magnifique à regarder et à apprécier. J'aimais cette assiette pendant les jours où le diablotin de la nausée attendait à côté de ma joue. C'était le contraire de ce que je voyais au travail, lorsque les gens apportaient des sandwichs gigantesques pour le déjeuner ; ou au buffet chinois, la nourriture pendait au-dessus des assiettes surchargées.
L'assiette turque me disait que mon aversion pour la nourriture était récompensée par la grâce, par les coups magistraux des mains anonymes qui remplissaient l'arrière-plan de la Tughrah comme un décor de cinéma ou un accompagnement musical que je ne pouvais pas entendre.
En gros, c'est comme ça que ça fonctionnait : Si je voyais un objet qui me plaisait dans la maison de mon petit ami et que je revenais vers lui pour le fixer, le tenir dans ma main et m'émerveiller de sa création, je restais avec lui pendant un certain temps. Cela me rendait heureuse.
J'ai fini par comprendre qu'il avait des effets plus importants sur ma physiologie.
J'ai appris que l'art peut guérir.